Lectures

Hybrid Warfare. Fighting Complex Opponents from the Ancient World to the Present

Par Williamson Murray et Peter R. Mansoor (Eds)
Cambridge University Press, Cambridge, 2012, 321 p.

La guerre hybride est devenue à la mode depuis quelques années, et en particulier depuis une instrumentalisation mal à propos dans le cadre de la crise ukrainienne afin de qualifier le comportement russe. Pourtant, si le concept remonte formellement à 2005 et aux premiers travaux de F. Hoffman, il rend surtout compte de quelque chose de nettement plus ancien.

Paradoxe de l’affaire, le concept est surtout utilisé aujourd’hui par des politistes n’ayant pas nécessairement la profondeur de leurs anciens, dont on disait dans les années 1980 qu’ils étaient les premières sources du renouvellement de l’histoire. Aussi, lorsque des historiens s’emparent du concept, ils montrent autant sa pertinence que sa variété dans l’histoire. Les auteurs le font cependant en se focalisant sur la question des opérations couplées, qui sont loin d’être la seule « manifestation » de la guerre hybride. De ce point de vue, l’apport des politistes eut sans doute permis d’enrichir la perspective, notamment sur le volet, excessivement important, de la stratégie des moyens.

L’ouvrage est composé de neuf chapitres, en commençant par la conquête de la Germanie par les Romains. Les suivant reviennent sur le cas irlandais au 17ème siècle ; la révolution américaine ; la guerre « péninsulaire » entre les troupes anglo-espagnoles et celles de Napoléon ; la contre-guérilla de l’Union durant la guerre de Sécession ; la guerre de 1870 du côté allemand ; les opérations coloniales britanniques de 1700 à 1970 ; l’expérience japonaise en Chine et enfin la guerre du Vietnam.

L’angle d’approche est d’autant plus intéressant qu’il ne s’agit pas tant de caractériser ce qu’est la guerre hybride – ce que la littérature a déjà largement fait – mais bien de voir quel type de réponse adopter. L’enjeu est ici crucial dès lors que, trop souvent, la réponse contemporaine à ce type d’opération est bornée par une inculture stratégique faisant osciller entre contre-insurrection (à tout le moins, sa variante centrée sur les populations) et opérations régulières ; là où les réponses qu’a apporté la pratique montre une infinie palette de nuances.

C’est toute l’importance de la conclusion de W. Murray, qui montre la réalité d’un processus de durcissement des opérations là où les représentations communes ont tendance à sous-estimer tant les capacités que la volonté de l’ennemi. Ce qui conduit l’auteur à une conclusion qui peut sembler évidente mais qui mérite d’être entendue : « ne combattez pas dans une guerre hybride tant que les intérêts les plus fondamentaux de l’Etat ne sont pas en jeu » (p. 307).

À propos de l'auteur

Joseph Henrotin

Rédacteur en chef du magazine DSI (Défense & Sécurité Internationale).
Chargé de recherches au CAPRI et à l'ISC, chercheur associé à l'IESD.

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