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Puissance aérienne – Le retour du dogfight ?

Le combat aérien entre deux appareils est devenu historiquement rare : au-delà de la guerre du Kosovo, plusieurs engagements avaient eu lieu entre l’Érythrée et l’Éthiopie, en 2000. Même dans ce cas, ils s’étaient faits à distance de sécurité et plusieurs auteurs en avaient déduit que les engagements à courte distance étaient virtuellement condamnés. C’était sans doute aller un peu vite en besogne, à deux égards. D’abord, parce que la prolifération des drones a rapidement impliqué d’utiliser contre eux l’aviation de combat. Dès 2006, Israël a ainsi engagé des machines du Hezbollah. Entre mars et avril 2008, des drones géorgiens étaient abattus par la Russie, tandis que des rencontres air-air se sont produites entre des drones américains et des appareils iraniens. Plus récemment, plusieurs drones de l’État islamique ont également été abattus, de même qu’un drone iranien au-dessus de la Syrie, par un F‑15E, le 20 juin.

Ensuite, parce qu’en appui de forces terrestres, le dogfight reste possible. Toujours en Syrie, deux jours plus tôt, un F/A‑18E américain abattait un Su‑22 syrien avec un AIM‑120 AMRAAM, après qu’un premier tir d’AIM‑9X eut manqué sa cible. L’appareil syrien frappait des positions de l’Armée démocratique syrienne, d’opposition au régime, lorsque le combat a été engagé. En l’occurrence, le premier missile a manqué sa cible… du fait de l’utilisation de leurres par l’appareil syrien, un indice en soi des précautions à prendre lorsque l’on évoque la supériorité technologique occidentale. Pratiquement, et aussi étonnant que cela puisse paraître, les leurres d’origine russe, à la signature assez particulière, n’ont pas nécessairement été pris en compte dans la conception du nouveau missile.

Enfin, parce que les AWACS sont vulnérables. Historiquement, la plupart des engagements à distance de sécurité des forces occidentales ne reposent pas tant sur les radars embarqués par les appareils que sur ceux des AWACS (voir DSI hors-série n°42). Or ces appareils, dont la destruction implique une contraction des distances d’engagement, sont intrinsèquement vulnérables. La Russie travaille depuis les années 1980 sur des missiles air-air antiradiations à grande portée. Sans même parler de projets plus anciens au statut peu clair (Novator KS‑172), c’est le cas de l’AA‑13 Arrow, qui équipe les MiG‑31BM (mais qui pourrait aussi équiper les PAK FA, rebaptisé Su‑57, et Su‑35). Le PL‑15 chinois, en cours de test, n’a pas nécessairement de fonction antiradiation propre, mais sa grande portée, supérieure à 200 km, est de nature à poser problème.

Le remplacement des AWACS reste pendant. Pour l’instant, Erieye, E‑2 et E‑3 connaissent des modernisations incrémentales, qui concernent également la flotte française (voir DSI, hors-série no 55), notamment sur le plan des capteurs passifs et de l’informatique. Mais ces évolutions cachent la plus grande vulnérabilité de ces appareils : leur faible nombre. Ainsi, seuls 24 des 32 E‑3 américains seront modernisés au standard « définitif » (Block 40/45 DRAGON, comprenant un changement des instruments de vol). À plus long terme, deux catégories d’options se font jour : l’intégration sur une nouvelle plate-forme, Boeing proposant le 737, qui serait également décliné afin de remplacer les RC‑135 et autres E‑8 et EC‑130 ; l’intégration de l’ensemble de ces capacités, au cœur du programme E‑10, une option cependant abandonnée, légitimement au vu des défis techniques, mais aussi de la vulnérabilité induite.

Les réseaux sont-ils la solution ? Une autre solution, plus radicale, serait de mettre en place des réseaux de capteurs, éventuellement installés sur drones. Déployés en bien plus grand nombre et offrant une vision plus résiliente de la situation aérienne, ils sont naturellement moins vulnérables aux frappes de missiles air-air ou surface-air. Ils posent cependant la question, redoutable d’un point de vue informatique, d’une intégration en bonne et due forme des liaisons de données à haut débit, mais aussi de la sécurité informationnelle de l’ensemble. De facto, de tels réseaux sont plus faciles à hacker que le cerveau d’un contrôleur aérien installé dans un AWACS…

Brève parue dans DSI n°131, septembre-octobre 2017

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